Nous explorons ici le rôle du DHA dans le développement cognitif et la vision du chiot et du chaton. Sur la base de la littérature et d’une approche de médecine comparée nous proposons une dose de complémentation journalière en DHA.
1. QU’EST-CE QUE LE DHA?
Le DHA (acide docosohexaenoique) fait partie des lipides ; c’ est un acide gras du groupe des oméga 3 : dans ce groupe, on trouve par exemple l’ALA (acide alphalinolénique) présente dans l’huile de graine de lin, de soja, de noix ou de colza ; on trouve également l’ EPA (acide eicosapentaenoique) présente dans les huiles de poissons, les fruits de mer, chez les mammifères marins, produite par le phytoplancton(algues marines microscopiques) dont ces animaux se nourrissent. Le DHA, comme l’EPA, est produite par le phytoplancton et donc retrouvée chez ces mêmes animaux marins. Dans le groupe des oméga 6, on retrouve l’acide linoléique dans l’huile de mais et de tournesol. Dans le groupe des oméga 9, on retrouve l’acide oléique, présente dans l’huile d’olive.
2. QUEL EST SON ROLE AU NIVEAU DU SYSTEME NERVEUX ET DE L’OEIL
Le DHA est l’un des constituants fondamentaux des cellules nerveuses du cerveau et de la rétine où elle est présente en grande quantité ; cette présence se retrouve chez tous les animaux en suivant l’évolution des espèces. Par exemple, dans la partie du cerveau appelée le cortex, elle représente 15 à 20% du poids selon les espèces. Si l’on regarde au niveau microscopique , au niveau du cerveau , on la retrouve dans les membranes des cellules nerveuses (neurones) et des zones de connexion entre neurones appelées les synapses ; au niveau de la rétine, on la retrouve dans la membrane des cellules appelées photorécepteurs qui captent la lumière.
- Elle y joue un rôle structural assurant l’intégrité, la fluidité, la perméabilité et participe grandement au contrôle des mouvements d’entrée et de sortie au niveau de ces cellules : elle participe ainsi à la maintenance en bon état de ces cellules et de leur fonctionnement.
- Elle y joue également un rôle dans la production de molécules qui protègent ces cellules nerveuses de la mort, de l’inflammation et de l’oxydation, et stimulent la régénération des cellules nerveuses.
- Enfin, elle intervient dans les différents systèmes de transmission entre les neurones au niveau de la synapse, ce que l’on appelle la neurotransmission effectuée par des molécules , les neurotransmetteurs, dont la dopamine, la noradrénaline, l’adrénaline, la sérotonine.
La dopamine est impliquée dans tout ce qui concerne l’exploration, le contrôle du mouvement, l’éveil, la motivation, l’attention, la mémoire, l’anticipation (capacité de prévoir ou de réagir à un évènement prévu) et la production de cortisone naturelle qui lutte contre le stress.
La noradrénaline participe au comportement moteur, à la régulation de l’ éveil, de l’attention, de la vigilance et du sommeil, contrôle le tri des stimuli extérieurs et donc l’impulsivité(à quels évenements est t il utile de réagir ou de ne pas réagir), mais également les phénomènes de mémorisation et les performances d’apprentissage.
L’adrénaline intervient dans la connexion entre le sujet et son milieu, lui permet donc d’agir et de réagir dans son milieu. Si l’adrénaline baisse, le sujet est déconnecté de son milieu , indifférent.
La sérotonine intervient dans les capacités d’apprentissage, les processus de mémorisation, l’humeur, le sommeil.
On entrevoit donc par l’action de ces neurotransmetteurs toute l’importance de la DHA dans la mémorisation, l’attention, l’apprentissage et le contrôle de soi.
3. COMMENT LES CELLULES NERVEUSES DU CERVEAU ET DE LA RETINE SONT ELLES APPROVISIONNEES EN DHA
Les neurones ne possèdent pas les enzymes qui leur permettraient de produire de la DHA à partir de l’ALA ou de l’EPA .
Ils doivent donc être approvisionnés en DHA par l’alimentation, même si le foie et d’autres cellules du cerveau en produisent, mais pour une part très marginale .
4. CE QUE L’ON AIT ACTUELLEMENT SUR LE ROLE DU DHA DANS LE DEVELOPPEMENT ET LA MATURATION DU CERVEAU ANIMAL
Chez les rongeurs (rat, souris) et les singes que l’on prive de DHA, celle-ci diminue très fortement dans les membranes des cellules du système nerveux, ce qui se traduit par une baisse de la fonction visuelle et par des troubles de l’apprentissage par défaut d’attention et de mémoire en particulier de mémoire spatiale(ne pas savoir se repérer, se diriger dans son environnement). Ces animaux présentent également des difficultés pour s’habituer à des choses nouvelles (habituation), pour explorer leur territoire , et pour développer leur apprentissage olfactif. On sait chez le rat que si cette privation a lieu avant le sevrage, donc tout petit, elle produit de manière irréversible un défaut de développement du système de neurotransmission. Donc il suffit d’une période très courte de privation en DHA (un mois environ chez le rat) pour compromettre définitivement le bon fonctionnement du cerveau. Il est probable que le même phénomène et donc le même risque existe chez l’homme et les animaux domestiques.
Chez l’enfant, la privation oméga 3 et donc en DHA (par exemple par carence dans le lait de la mère , ou chez des prématurés non supplémentés ) provoque un retard de développement de l’ acuité visuelle (finesse de la vision), mais aussi un mauvais développement du comportement et des capacités cognitives (capacité à apprendre, à penser).Il est prouvé que cette privation induit une difficulté pour réaliser certains mouvements à l’âge de 7 ans. C’est à la période autour de la naissance (période néonatale) que le système nerveux emmagasine la DHA de la manière la plus active. Elle s’étend chez l’homme du 3e mois avant la naissance jusqu’au 18e mois après la naissance. Au cours de cette période la taille du cerveau du bébé humain est multipliée par 10. Nous retrouvons là l’importance de cette période finalement courte où le cerveau doit absolument recevoir cet apport de DHA pour un développement psychomoteur optimal de l’enfant.
Chez les animaux domestiques :
Le porc : on a pu montrer que si les porcelets reçoivent une alimentation carencée en oméga 3 et oméga 6 pendant les 18 premiers jours de leur vie, la concentration de DHA baisse dans les membranes des cellules nerveuses et que le taux de sérotonine et de dopamine baisse également. Si on leur redonne des quantités correctes d’oméga 3 et d’oméga 6 , la concentration de DHA remonte, mais la neurotransmission assurée par la dopamine reste altérée. Souvenons nous de l’importance de ce neurotransmetteur.
Le chien : chez le chiot à la naissance, le cerveau observé au microscope est très semblable au cerveau d ‘un fœtus humain du 7e au 9e mois de grossesse. Il est donc vraisemblable que la demande en DHA du cerveau du chiot soit aussi importante que celle du cerveau humain pendant la grossesse et les premiers mois de vie. Le cerveau d’un chiot de 6 semaines est développé à 70 %. La distribution d’un aliment supplémenté avec de la DHA à des chiennes gestantes puis en lactation ainsi qu’à leurs chiots a permis de démontrer une amélioration de la réponse électrique de la rétine ; dans la même étude , il a été démontré qu’un apport même faible de DHA a un effet supérieur à une forte dose d’ALA et que la nutrition de la chienne avec un aliment riche en ALA n’a pas augmenté le taux de DHA dans le lait. Cela confirme bien que la transformation de l’ALA en DHA est très faible chez le chien et qu’il faut fournir directement la DHA pour en avoir les effets attendus. Il a été de plus démontré que des chiots nés de mères nourries avec un aliment riche en DHA pendant la gestation et la lactation ont un taux beaucoup plus élevé de DHA dans le sang par rapport à un placebo, des capacités d’apprentissage significativement plus élevées entre la 10e et 16 e semaine de vie. De même des chiots qui reçoivent un aliment enrichi en DHA à partir de la 3e semaine après la naissance développent une meilleure mémoire entre la 8e et la 16e semaine de vie.
CONCLUSION
Il est donc prouvé qu’une complémentation alimentaire en DHA au cours de la gestation, la lactation et la croissance du chiot favorise nettement le bon développement du système nerveux du chiot, son acuité visuelle et ses facultés d’apprentissage(y compris olfactif) et de mémorisation . Comme dans les autres espèces on retrouve cette période sensible périnatale au cours de laquelle il est absolument indispensable de fournir au chiot une supplémentation en DHA : il est donc fondamental si l’on veut préparer dans les conditions optimales le futur chien adulte de fournir cette complémentation pour que le chiot ait les meilleurs chances de faire les apprentissages pendant les premiers mois de sa vie, créant ainsi les conditions d’un lien de qualité avec ses maîtres.
La dose recommandée de DHA est de 7 à 8 mg/kg et par jour.
Références :
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Bosch et al 2007. Nutrition Research Reviews 20 : 180-194
Heineman et al 2005. J. Nutr. 135 :1960-1966
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