Petite question existentielle: faudra-t-il choisir entre faire des enfants ou traiter nos animaux de compagnie contre les puces et les tiques ? La fertilité masculine est en très forte régression. Pointés du doigt, de nombreux contaminants chimiques sont soupçonnés de perturber notre système endocrinien. Parmi eux figurent quasiment tous les produits que nous utilisons actuellement pour tuer les puces du chat et du chien.
Les faits sont là. Depuis 20 ans, plusieurs études réalisées dans divers pays montrent une réduction significative du nombre de spermatozoïdes chez l’homme, avec une diminution de la qualité du sperme et une augmentation de cancers des testicules. La plus grande étude est française, elle a été réalisée sur 26 000 patients à travers toute la France par l’Institut De Veille Sanitaire. Ses résultats viennent d’être réévalués et publiés dans la revue britannique Human Reproduction. En 6 ans, le nombre de spermatozoïdes par millilitre de sperme de cette population a diminué de manière constante et progressive de 74 millions à 50 millions. Le Professeur Robert Sharpe, de l’Université d’Edimbourg qualifie cette baisse d’impressionnante. L’Organisation Mondiale de La Santé considère que le seuil minimum de fertilité optimale est de 55 millions de spermatozoïdes par millilitre et que le seuil d’infertilité masculine se situe à 15 millions. La progression de cette réduction est extrêmement préoccupante.
Deux causes principales sont avancées pour expliquer cette réduction alarmante. La première concerne nos habitudes vie et notamment les changements de notre alimentation : augmentation de la teneur en lipides saturés et surpoids. Cependant les chercheurs de l’Institut de Veille Sanitaire pensent que le type de résultats obtenus comme le fait que la motilité des spermatozoïdes ne soit pas affectée penche plutôt pour une explication en faveur de l’effet de contaminants chimiques environnementaux qui perturberaient le système endocrinien de l’homme.
Ce n’est que depuis une vingtaine d’années que l’on s’aperçoit effectivement qu’un nombre croissant de produits chimiques ont la capacité de modifier le fonctionnement de notre système endocrinien. C’est un véritable changement de paradigme en toxicologie. Cet effet est observé avec des niveaux d’exposition aux contaminants très faibles mais répétés. Les tests toxicologiques conventionnels utilisés pour évaluer la toxicité des composants chimiques ne permettent pas de révéler ce nouveau type d’effet toxique. Le Docteur Theo Colborn s’est faite le chantre de la traque de ces contaminants qui nous empoisonnent à petit feu. Elle a créé un site internet tout à fait intéressant pour l’échange d’information et l’analyse des données scientifiques sur les perturbateurs endocriniens TEDX. Parmi la liste des composés chimiques suspectés d’être des perturbateurs endocriniens, il y a une mention particulière pour les insecticides que nous utilisons entre autres pour traiter nos animaux de compagnie contre les puces et les tiques.
En effet tous les insecticides chimiques que nous utilisons sur nos animaux proviennent de la recherche agrochimique sur les pesticides. Par design ces molécules s’attaquent aux systèmes nerveux et endocriniens des insectes. Pour obtenir des durées d’actions importantes, elles sont rendues très résistantes à la dégradation. Elles demeurent ainsi très longtemps dans l’environnement nous exposant à de faibles doses sur de grandes périodes. Quand elles sont appliquées sur nos chiens et chats, ces produits se répandent à la surface de la peau et se retrouvent éventuellement un peu partout dans la maison. On imagine ainsi que le propriétaire de l’animal et tous les membres de la famille qui caressent le chien ou le chat puissent être exposés à des faibles doses mais répétées pendant plusieurs mois. Il n’est donc pas étonnant de retrouver ces molécules dans la liste des perturbateurs endocriniens suspectés. Le fipronile, l’imidaclopride, le nitenpyram, la selamectine, les organophosphorés, les pyréthrines de synthèse quasiment tous nos produits anti-puces et anti-tiques sont sur cette liste.
Il est donc urgent que nous puissions trouver des alternatives efficaces à ces produits. Plusieurs axes de recherche sont étudiés. L’un d’entre eux consiste à essayer de développer des vaccins contre les puces et les tiques. C’est une voie qui est poursuivie depuis un certain temps mais qui se heurte à des difficultés techniques encore importantes. Une autre approche consiste à aller rechercher dans la biodiversité des molécules appelées métabolites secondaires que les plantes fabriquent pour se défendre des insectes sans être toxiques pour elles-mêmes. Cela requiert la mise en oeuvre de méthodes d’analyses et d’extraction sophistiquées, de l’innovation technologique pour formuler ces métabolites secondaires pour en augmenter la durée d’action tout en conservant leur biodégradabilité. Des sociétés innovantes, dont ARCANATURA, se sont lancées dans cette voie, Mais l’émergence de solutions alternatives aux pesticides de synthèse prendra encore quelques années.
Entre temps il est indispensable de réduire l’utilisation des produits existants et de les appliquer avec la plus grande prudence en respectant toutes les consignes de sécurité comme le port de gants par exemple. Et espérons que nous trouvions des alternatives avant que que la concentration de spermatozoides des hommes passe en dessous du seuil d’infertilité établi à 15 Millions de spermatozoides/ml !